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23 juin 2010 3 23 /06 /juin /2010 15:44

Quitte à agacer Falbala - qui zappera si elle n'est pas d'humeur à se farcir un article ayant peu ou prou un lien avec le football (mais je la sais sympa au point de me faire le plaisir de me lire) - je vais revenir sur le foot - cette fois pour dire du bien de l'Angleterre et son approche de cette coupe du monde - you know, England is my ONE weakness...

 

Le match Angleterre-Slovénie va commencer dans quelques minutes et j'ai la chance de pouvoir le  regarder à la télévision sur la BBC avec les commentaires d'anciens joueurs  de l'équipe d'Angleterre. Ils sont posés, techniques, animés, amusants, ouah!!!!!!!!!!!!

Par ailleurs, des professionnels du foot viennent nous expliquer dans un assez long monologue accompagné par une musique de piano à la fois fervente et mélancolique ce que tel ou tel joueur devrait faire lors de la partie. Des acteurs et comédiens de théatre viennent nous déclamer des tirades à la Shakespeare - en le citant! -. Et ce n'est même pas ridicule ! Des joueurs gratifient leurs fans d'entretiens en studio avec un ou une journaliste - ils n'ont pas peur des journalistes, eux. Tout cela dans une ambiance sympathique et pourtant, ils jouent gros, aujourd'hui! La qualification, en effet.

 

Bref, dans ce concert footballistique et cette heureuse alliance du sport, de la musique et de la littérature, la cerise sur le gâteau s'appelait aujourd'hui David James. Pour les novices du foot, je précise qu'il est le gardien de but de l'équipe d'Angleterre. Je ne le savais pas encore ce matin. 

 

Mais en le voyant et l'entendant s'exprimer, vraiment, j'ai craqué. Il est l'image de tout ce que nous regrettons de ne pas avoir eu dans notre équipe de France (enfin quand je dis la nôtre, en fait, j'ai déjà pris la tangente...) : IL SAIT PARLER (suivez mon regard vers la majorité de nos crétins bleus), et dans un anglais impeccable, se montrant tour à tour CHARMING, WITTY, and always FRIENDLY and FUNNY! ll semble dès lors évident que,, du côté de l'Angleterre, on ne demande pas aux joueurs d'être seulement des cogneurs de ballon, mais des professionnels de la communication remplissant une mission. Un métier, en fait. Il semble qu'on ne se contente pas non plus, outre-Manche de parler de la mission d'intégration par le sport de la part des joueurs et des instances dirigeantes, mais que, comme il nous a été montré jusqu'ici sur la BBC, on y croie et qu'on la mette en pratique.

 

Mister David James : l'ironie du sort veut que l'on vous surnomme "Calamity James" - typical english humour- en raison des bourdes que vous avez parfois commises sur le terrain. Mai si au cours du match imminent, vous êtes à nouveau saisi par L'angoisse du gardien de but au moment du pénalty* rappelez-vous que tout cela, c'est malgré tout Beaucoup de bruit pour rien**...

 

*(Peter handke)

**(Shakespeare) 

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21 juin 2010 1 21 /06 /juin /2010 18:19

Devant la tournure que prend actuellement notre tragi-comédie footballistique, une question me taraude : cela fait des années, des décennies même, qu'on nous vante les vertus du sport, et en particulier du football, soi-disant le plus grand de tous les sports, si l'on écoute notre président toujours pressé du discours à l'emporte-pièce, comme étant LA solution aux problèmes des banlieues, et même de la crise, (toujours dixit notre président - je suppose qu'il voulait dire: "exutoire"...)!

Et pourquoi, Boll's ? Parce que, nous a-t-on fait croire, les sports d'équipe encourageraient l'esprit d'équipe, eh con! Tant qu'à faire, on n'avait qu'à choisir le rugby. Voilà un sport d'équipe qui n'a pas - encore -  fait de  morts entre supporteurs dans les tribunes - enfin, à ma connaissance. Et de toutes manières,  le rugby, c'est plus franc, comme sport. Et d'ailleurs, je vous le demande : un ballon ovale, n'est-ce pas plus original qu'un ballon rond ?

 

Tous ceux qui y trouvent leur intérêt, politiciens en tête, poussent la mauvaise foi à nous citer la fonction éducative des joueurs sur le plan moral, éthique et tuti quanti, au point de justifier ainsi le caractère scandaleux de leurs salaires mirobolants. Tout cela  pour taper comme des idiots dans un -seul- ballon sur un terrain. Deux fois onze joueurs sur le terrain : donnons-leur deux fois onze ballons et qu'on n'en parle plus ! Car en fait, ce sport dont on prétend qu'il favorise l'esprit d'équipe, contribue précisément à stimuler le contraire : les joueurs, comme le dit bien le mot : "se disputent" le ballon!

 

Ah excusez-moi, j'avais oublié qu'il y a une équipe  adverse... il s'agit donc bien d'une guerre de gangs...

 

Alors, qu'en plus, ils s'insultent entre eux, on s'en moquerait. Mais voilà : la légende des vertus socio-éducatives du foot en prend un coup et les commentaires des "sources autorisées" - ou non - repartent de plus belle...

 

 

Et  pour bien compliquer bien les choses, toutes ces personnes se voulant philosophes ou policitiens s'en mêlent systématiquement et se piquent de faire des commentaires tendancieux pour le bien de leur com'. Parmi toutes les petites phrases, la manoeuvre la plus populiste a été celle de Rama Yade, qui croyait sans doute se faire bien voir du bon peuple en faisant un cours de morale budgétaire à des bonshommes qui n'en n'ont par ailleurs rien à faire... Un petit jeu de communication qu'elle a perdu, d'ailleurs, par les soins du Canard enchaîné et de ses révélations sur le  prix de la propre chambre d'hôtel de Rama Yade pour le mondial d'Afrique du Sud...

 

Politiciens et philosophes opportunistes s'accaparent à leurs propres fins le foot en le transformant en une cause nationale. Morale (re-sic) de l'histoire ? Tout simplement : quoi de mieux pendant une crise, que "du pain et des jeux" ?

 

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20 juin 2010 7 20 /06 /juin /2010 16:14

Je sais, Boll's, je sais, j'avais dit qu'on s'en "footait" éperdument de ce mondial des égocentriques du ballon rond et que nous pensions - naïfs que nous sommes - que les "vuvuzelas de la mort" ayant bientôt sonné pour l'équipe de France après sa pitoyable défaîte contre le Mexique, nos concitoyens allaient donc en profiter pour retourner désormais leur excitation footballistique contre la nouvelle loi sur la retraite "à la carte", à savoir contre l'allongement de la retraite pour tous, perfidement assortie tout-de-même d'une nouvelle règlementation de la pénibilité laissée à la libre appréciation du médecin traitant (attention, entre autres, à ne pas se fâcher auparavant avec son médecin!). En résumé : la porte ouverte à toutes les dérives...

 

Bref, nous pensions enfin avoir la paix, mais... voilà qu'une défaîte sans importance s'est transformée en une débâcle de gros mots, et les médias ne parlent plus que de cela. Les Bleus déjà mal aimés et méprisant leurs fans se font étriller sur le terrain et en dehors de celui-ci, et se déchirent dorénavant entre eux.

 

Alors je le répète : Mais qu'est-ce qu'on s'en moque des obscénités et des mots orduriers que profèrent ces mecs d'autant plus blasés du porte-feuille que leur salaire mensuel est indécent ! 

 

Cela dit, quand Finkielkraut nous dit ce matin sur France Inter que la déliquescence de l'équipe de France vient du fait que ses joueurs sont dévorés par ce qu'il appelle "l'esprit des Cités", il se trompe de cible. Cela sent la récupération pseudo-philosophico-politique à plein nez (surprenant, non ?).

Comme s'il n'y avait pas de premiers de la classe dans les Cités... Comme s'il n'y avait pas de gosses intelligents et cultivés dans les Cités !

 

La raison de tout cela est pourtant bien plus prosaique:

les joueurs de l'équipe de France sont tout simplement dévorés par l'argent et le bling bling qui l'accompagne, par le même argent que l'on fait miroiter aux gamins des cités comme à tous les autres gamins du pays. 

 

L'argent allié à la crétinerie des joueurs, l'autisme méprisant de l'entraineur et la veulerie des dirigeants de la Fédération sûrs de leur bon (passe-)droit, voilà ce que l'on donne en exemple aux gamins.

 

Et quand on entend certains membres de l'équipe de France comme Evra proférer des  paroles immondes sur le "traitre  parmi nous" qu'il faudrait  "éliminer"* (sic), utilisant ainsi un vocabulaire de lynchage conforme aux heures les plus sombres de l'histoire de l'humanité, force nous est de constater que l'équipe de France est composée en majorité de crétins aux poches cousues d'or qui ne se rendent même pas compte de l'énormité et de la portée de ce qu'ils disent.  Il est vrai que tous les joueurs n'ont pas le QI de Platini, Thuram,  Lizarazu ou Boumsong, mais ce n'est pas une excuse ! 

 

Tiens, à propos, où est passé Thuram ? Il doit être accablé... Quant à Platini, il serait temps qu'il se manifeste...Mais ils se taisent sûrement, par peur que, par les temps qui courent, la moindre petite phrase malheureuse ne tourne au drame médiatique...

   

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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 23:38

La stratégie de la bise. Assûrément un vrai casse-tête pour Angela.

S'il y a une pratique qui pose problème aux Allemands, c'est bien la bise à la française. Et si ce n'était que la bise ! Notre président nous a presque provoqué une crise diplomatique avec sa manie de flanquer des tapes dans le dos à ses collègues, notamment à la chancelière qui n'a pas du tout aimé, si l'on en croit la presse allemande d'alors.

Les Allemands serrent la main, c'est bien connu. Voici même à ce sujet ce que l'on peut lire dans un article de l'hebdomadaire allemand die Zeit, spécialement consacré à la pratique de la bise**:

"La pantomime de la salutation à la française lancée en l'air - appelée
la bise
- est une pratique à laquelle nous pouvons, nous, dans le meilleur des cas, nous exercer. Mais le chemin  qui mène de la simple technique à l'élégance naturelle est long et pavé de questions formelles. Les joues doivent-elles se toucher à peine ou pas du tout? La bouche doit-elle être en "cul de poule" comme pour un vrai baiser ?" etc...

Histoire de rendre la tâche plus difficile à la chancelière, voilà que le président français lui balançait, outre des bises en guise de salutations, des tapes dans le dos.  Croyait-il avoir à faire à "bobonne" et s'imaginait-il qu'il allait la faire fondre par une familiarité de façade? C'était mal la connaître.

Faisant assûrément contre mauvaise fortune bon coeur, elle a encaissé le coup et puis, au fil du temps, on s'est ape
rçu qu'elle avait adopté une stratégie de défense.

Puisque, dit-on, la meilleure défense est l'attaque, elle y est allée franchement
(voir photo).
Sa stratégie est même explicitée dans l'article de
die Zeit, où l'on nous montre, photo à l'appui, qu'elle a repris à son compte l'arme de la bise et l'a retournée contre son  "assaillant" ! Je cite :

"Angela Merkel a été elle aussi, élevée dans la culture de la poignée de mains et a dû s'habituer à la cérémonie de la bise pratiquée en guise de salutation par le pays voisin. Par l'accolade très énergique qu'elle donne à Nicolas Sarkozy, elle tente manifestement d'établir un compromis gestuel. Elle transpose la méthode allemande de la poignée de main dans la manière française de faire la bise - de sorte que les joues remplacent les mains. Elle se penche en avant et presse étroitement son visage contre celui de Sarkozy. Que le président, qui
penche alors sa tête sur le côté en s'attendant à une gestuelle corporelle de bises envoyées à distance, soit quelque peu pris à l'improviste par le coup asséné, on peut s'en rendre compte à la façon dont il recule légèrement le haut du corps. Sa mine enjouée prend l'allure d'un masque. Son regard fixant le vide exprime l'effroi devant la mainmise de sa collègue. Peut-être n'est-il pas (inconsciemment) rassuré par la position de la main de la chancelière sur son épaule. Dans plusieurs scènes de films, on trouve là le point de départ d'un geste qui remonte jusqu'au cou pour se terminer par un étranglement. Peut-être cela lui rappelle-t-il, également de manière totalement inconsciente, l'histoire des attaques et des sièges par les Allemands."

L'autre recule. Regarde ailleurs. L'air de rien, elle l'a pris à son propre jeu. Qu'est-ce ? L'Empire contre-attaque ? N'y pourrait-on déceler un malin plaisir que prendrait la chancelière à battre sur son propre terrain le politicien mâle qui, il y a encore peu de temps, avait outré sa collègue d'outre-Rhin par ses accolades un peu brusques.
Tiens donc !

Dans son article, la journaliste n'exclue pas que l'attitude de Merkel ne soit qu'une tentative un peu gauche de se plier aux exigences du protocole:

"Ainsi, le geste passe à côté du but recherché. En effet, les deux chefs de gouvernement se sont rencontrés récemment à Paris, pour conclure l'agenda 2010, un nouveau programme de coopération franco-allemande. Ce qui semble y manquer, c'est une idée pour un protocole de salutation personnel, qui n'effraie pas la partie française et ne surmène pas la partie allemande."


En fait, le protocole et la façon dont il est exécuté peuvent en dire long sur les relations entre deux pays ou, du moins, sur la psychologie de leurs dirigeants.
  Au fil des mois, et sans éclat, Angela Merkel a désormais détourné à son avantage le protocole. Il suffisait d'y penser. Cela prouve au moins que, loin de se résigner à subir une situation qui l'irritait au plus haut point, elle a cherché à tirer son épingle du jeu et  le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle y est parvenue.

C'est tout un art, la diplomatie : faire bien attention de ne pas se faire botter en touche par l'adversaire, euh, pardon, le collègue, et donner l'impression d'être copains comme cochons sans se faire bouffer pour autant.

Dans la guerre des bises, les roses ont des épines.

Comme quoi, il est déjà loin, le temps où notre président, alors hôte de Mme Merkel en France, se risquait à décocher en conférence de presse un mémorable : "
La France agit, l'Allemagne réfléchit". À quoi Merkel, piquée au vif, avait répondu : "L'action et la réflexion peuvent aller de pair."

C'était le prélude à la "stratégie de la bise".

**Ursula März dans l'hebdomadaire Die Zeit-Magazin sur la tentative d'Angela Merkel de transposer la technique de la poignée de mains allemande  dans l'art français de la bise.

 

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7 mars 2010 7 07 /03 /mars /2010 11:51
Puisque nous venons de celébrer la journée internationale de la femme, et pourquoi pas, des femmes, revenons sur la question des femmes en politique.

Ou doit-on plutôt dire : de "la femme" en politique ?

Il faut avouer que l'on a vite fait le tour. Elles ne sont pas nombreuses à être en charge du destin d'un pays.

Avant même qu'elles puissent se porter candidates, la question insidieuse de leur "compétence" est mise en avant. Il n'en n'avait pas été autrement non plus en Allemagne durant la campagne électorale précédant la première élection d'Angela Merkel à la chancellerie. Depuis, il reste tout-de-même quelques irréductibles pour réclamer des coups de poing sur la table et des déclarations tonitruantes à tort et à travers comme prétendues preuves de fermeté dans un monde impitoyable etc.

Angela n'en a cure. Elle laisse ces messieurs, comme c'est le cas en ce moment avec son ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, s'exciter un peu, mais il
y a fort à parier qu'elle ne continuera pas longtemps à contempler passivement les élucubrations du turbulant et souvent incontrôlable nouveau ministre des Affaires étrangères, notoirement connu pour ses déclarations intempestives (preuve qu'en Allemagne, les Ministres ont de la marge dans l'exercice de leurs fonctions - une liberté qui ferait pâlir d'envie notre ministre français des Affaires étrangères, M.Kouchner, s'il n'avait d'ores et déjà renoncé pour son ministère à toute indépendance).

En attendant, force est de constater que le cas d'Angela Merkel est singulier.

La chancelière qui, soit dit en passant est 
régulièrement  réélue la "femme la plus puissante de la planète", n'apparaît qu'à la quinzième place des politiciens les plus puissants (cf. un autre article du blog)...
....
Meunier, tu dors, ton moulin ton moulin va trop vite, meunier, tu dors, ton moulin ton moulin...
Je (me) reprends.

Nous avions déjà exposé sur ce blog "l'exception allemande" que représente Angela Merkel  "dans le monde machiste de la politique-people", dans lequel il apparaissait que notre président non seulement la sous-estimait en tant que politicienne, mais qu'également, il irritait fortement la chancelière par ses grandes tapes dans le dos et ses déclarations surprenantes sur les supposés "liens sacrés" unissant la France et l'Allemagne*.

À travers le cas d'Angela Merkel, il s'agissait d'examiner si une place pouvait exister pour les femmes en politique. La réponse était et reste : oui.

A. Merkel l'a prouvé, et pourtant, on ne peut pas dire que la situation ait changé depuis deux ans (date de l'article). Poutine n'est certes plus président et Medvedev prétend vouloir s'attaquer à la corruption en Russie, mais pour les autres, ils sont toujours là, après deux ans et une crise financière bien remplie.  Il était apparu alors que
la capacité d'Angela Merkel à «juger les autres mieux que les autres ne savent la juger constitue une des raisons principales de sa carrière ».

Et cela reste le cas. En l'espace de deux ans et puisqu'il existe notamment un "couple" franco-allemand plaisamment mis en avant par notre président à chaque occasion qui se présente, Angela Merkel a décidé de faire contre mauvaise fortune bon coeur.

Si ce n'était le problème de la bise...

(À suivre)


*Encore un discours sans doute pondu par un collaborateur peu au fait de la mentalité des Allemands et de leur méfiance envers l'usage des concepts fumeux et grandiloquents de ce genre en politique  - peut-on par ailleurs imaginer un débat sur l'identité nationale en Allemagne - à moins de l'appeler "identité fédérale", question qui tue la question? 



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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 09:06

Panthéon, panthéon pour tous...

Albert Camus aura-t'il son mot à dire?
Sans doute l'a-t'il déjà fait...

Monsieur le Président de la République française, élu par le peuple, au service du peuple, serait bien avisé de relire également "Le mythe de Sisyphe", peut-être y trouverait-il un sens à sa dure condition de président, incompris, obligé qu'il est de décorer des gens qu'il déteste  et qui le détestent..


ALBERT CAMUS, Le Mythe de Sisyphe.

Il faut imaginer Sisyphe heureux.

Tout au bout de ce long effort mesuré par l'espace sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe regarde alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde inférieur d'où il faudra la remonter vers les sommets. Il redescend dans la plaine.

C'est pendant ce retour, cette pause, que Sisyphe m'intéresse. Un visage qui peine si près des pierres est déjà pierre luimême. Je vois cet homme redescendre d'un pas lourd mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin. Cette heure qui est comme une respiration et qui revient aussi sûrement que son malheur, cette heure est celle de la conscience. A chacun de ces instants, où il quitte les sommets et s'enfonce peu à peu vers les tanières des dieux, il est supérieur à son destin. Il est plus fort que son rocher.

Si ce mythe est tragique, c'est que son héros est conscient. Où serait en effet sa peine, si à chaque pas l'espoir de réussir le soutenait ? L'ouvrier d'aujourd'hui travaille, tous les jours de sa vie, aux mêmes tâches et ce destin n'est pas moins absurde. Mais il n'est tragique qu'aux rares moments où il devient conscient. Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition : c'est à elle qu'il pense pendant sa descente. La clairvoyance qui devait faire son tourment consomme du même coup sa victoire. Il n'est pas de destin qui ne se surmonte par le mépris.

Si la descente ainsi se fait certains jours dans la douleur, elle peut se faire aussi dans la joie. Ce mot n'est pas de trop. J'imagine encore Sisyphe revenant vers son rocher, et la douleur était au début. Quand les images de la terre tiennent trop fort au souvenir, quand l'appel du bonheur se fait trop pressant, il arrive que la tristesse se lève au cœur de l'homme : c'est la victoire du rocher, c'est le rocher luimême. Ce sont nos nuits de Gethsémani. Mais les vérités écrasantes périssent d'être reconnues. Ainsi, Œdipe obéit d'abord au destin sans le savoir. A partir du moment où il sait, sa tragédie commence. Mais dans le même instant, aveugle et désespéré, il reconnaît que le seul lien qui le rattache au monde, c'est la main fraîche d'une jeune fille. Une parole démesurée retentit alors : " Malgré tant d'épreuves, mon âge avancé et la grandeur de mon âme me font juger que tout est bien. " L'Œdipe de Sophocle, comme le Kirilov de Dostoïevsky, donne ainsi la formule de la victoire absurde. La sagesse antique rejoint l'héroïsme moderne.

On ne découvre pas l'absurde sans être tenté d'écrire quelque manuel du bonheur. " Eh ! quoi, par des voies si étroites... ? " Mais il n'y a qu'un monde. Le bonheur et l'absurde sont deux fils de la même terre. Ils sont inséparables. L'erreur serait de dire que le bonheur naît forcément de la découverte absurde. Il arrive aussi bien que le sentiment de l'absurde naisse du bonheur. " Je juge que tout est bien ", dit Œdipe, et cette parole est sacrée. Elle retentit dans l'univers farouche et limité de l'homme. Elle enseigne que tout n'est pas, n'a pas été épuisé. Elle chasse de ce monde un dieu qui y était entré avec l'insatisfaction et le goût des douleurs inutiles. Elle fait du destin une affaire d'homme, qui doit être réglée entre les hommes.

Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui appartient. Son rocher est sa chose. De même, l'homme absurde, quand il contemple son tourment, fait taire toutes les idoles. Dans l'univers soudain rendu à son silence, les mille petites voix émerveillées de la terre s'élèvent. Appels inconscients et secrets, invitations de tous les visages, ils sont l'envers nécessaire et le prix de la victoire. Il n'y a pas de soleil sans ombre, et il faut connaître la nuit.

L'homme absurde dit oui et son effort n'aura plus de cesse. S'il y a un destin personnel, il n'y a point de destinée supérieure ou du moins il n'en est qu'une dont il juge qu'elle est fatale et méprisable. Pour le reste, il se sait le maître de ses jours. A cet instant subtil où l'homme se retourne sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple cette suite d'actions sans lien qui devient son destin, créé par lui, uni sous le regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa mort. Ainsi, persuadé de l'origine tout humaine de tout ce qui est humain, aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n'a pas de fin, il est toujours en marche. Le rocher roule encore.

Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni fertile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.

 

Le Mythe de Sisyphe, Gallimard, 1942.

 

L' on peut penser que le poste de président de la République est celui où s'exerce dans l'absolu la plus parfaite expression de la liberté,  à défaut d'égalité et de fraternité.
Le président est le gagnant de la lutte vers les sommets, mais on dirait que la tâche n'est pas finie.
Il lui faut maintenant gouverner, et nourrir ce quotidien d'actes (ou d'intentions puisqu' hélas, un fils, une voix peuvent se mettre en travers du chemin) qui marqueront "symboliquement" (que peut bien signifier d'ailleurs la formule"acte symbolique fort"?) et occuperont les esprits de  débats incessants et changeants.
Pour conclure, il restera toujours des candidats à l'entrée au panthéon...
Après tout, d' être décoré de la légion d'honneur à entrer au panthéon, il n'y a qu'un pas...

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/lhumeurdefrancoismorel/


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8 mars 2009 7 08 /03 /mars /2009 21:56
Pas mal de parents d'élèves résistent à la vague de divorces qui sévit ces temps-ci dans le village où je travaille.
Les élèves, quoiqu'atteints de diverses maladies contagieuses, guérissent plus vite que leur ombre .
Je n'ai rien attrapé, ce qui est signe de mon renforcement immunitaire.
Le ciel est gris, mais la pluie arrose les jardins.... Pas de sécheresse à redouter dans les futures semaines.
Les chattes en profitent pour dévorer des pigeons ou se la couler douce au chaud dans la maison près des sources de chaleur.
La France résiste mieux à la crise grâce à la qualité de ses services publics, c'est ainsi que nous ferons grève avec optimisme pour continuer le combat de leur sauvegarde...
Et mardi je serai dans une école pour la nuit des écoles (enfin, un tout petit début de bout de nuit pour moi...)... ce qui est signe du début d'un commencement du retour  de mon optimisme face au devenir de notre société...
Et les vacances d'hiver sont enfin terminées pour tous, ce qui rendra le trafic à nouveau fluide sur les routes et nous sauvera du sentiment de jalousie certain quoiqu'humain que nous éprouvions tous face à ceux qui profitaient encore de temps de loisirs...

je dis n'importe quoi??? ah bon!

Alors, je rajouterai que je viens de lire 2 excellents articles sur des questions soulevées par Robert Badinter, que j'avais également suivies.
Merci, naine civilisée, lue au moins par naine convaincue que la civilisation, ce serait bien!
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