« Je suis bien placé pour savoir ce qu'est la réécriture de l’histoire … Et cependant, je me suis senti comme foudroyé lorsqu’en septembre 2002, à l’église St. Paul, le président Václav Havel a été salué d’une poignée de mains par [ndlr-le recteur de la Trinity Church de Wall Street] Matthews.
Havel, qui avait libéré son pays et lui-même du tissu de mensonges stalinien, qui avait dépeint ce qu’était la vie dans le mensonge public, est venu à St. Paul comme ce lieu symbolisant l’authenticité humaine – et il est tombé dans le piège tendu par le tissu de mensonges de Matthews. Il en a été de même pour le président Bush à l’occasion du cinquième anniversaire, et il en sera de même pour le président Obama, lorsqu’il viendra avec Bush dans la chapelle, pour le dixième anniversaire [de l’attentat du 11 septembre 2001]. Ils n’ont jamais entendu parler du martyre de Lyndon Harris, il a été effacé de la mémoire collective pour tomber dans l’oubli. Qui sait si le nouveau recteur de la puissante église Trinity Church et le nouvel évêque de New York, oseront essayer de pratiquer la vie dans la vérité. »
Ces paroles forment la conclusion de l’article écrit cette semaine dans l’hebdomadaire DIE ZEIT par Hartmut M. Hanauske-Abel, professeur en pédiatrie vivant aux USA depuis 1986 et membre de la paroisse de la légendaire chapelle St. Paul à Manhattan, au sujet du pasteur Lyndon Harris, qui, voici dix ans déjà, avait fait de cette chapelle une infirmerie pour les premiers secours lors des attaques du 11 septembre 2001.
Lyndon Harris était à l'époque le pasteur de cette chapelle St. Paul jouxtant les Tours jumelles de Manhattan et épargnée comme par miracle par les attentats du 11 septembre 2001. Tous ceux qui ont oeuvré dans l'enfer de feu et d'acier qui avait remplacé les Twins Towers de New York se rappellent, dit-on, l'abnégation avec laquelle il les a assistés dans leur travail harassant. Et il nous raconte alors comment son église a usé de stratagèmes dignes de l'inquisition pour le punir de son engagement en lui faisant tout perdre, santé, famille etc. On y apprend comment Harris a fait de cette chapelle au passé d’ores et déjà légendaire, une infirmerie et un havre de paix, tandis que les éminences de sa riche et puissante église n'ont eu de cesse, plus tard, de s'acharner à faire payer au pasteur cette initiative.
La lecture de cet article était d'autant plus bouleversante que va être commémoré dans quelques jours le dixième anniversaire des attentats du 11 septembre. Et si l'on en croit l'auteur, "l'homme d'église" soit-disant représentant de la charité chrétienne, qui accueillera cette année, à cette occasion, le président Obama dans la chapelle de St. Paul, ne sera autre que le recteur Matthews, celui qui, nous dit l'auteur, aurait contribué à anéantir le pasteur Harris au sens propre comme au sens figuré, en récupérant au passage les lauriers d'une gloire jamais revendiquée par le modeste pasteur Harris.
La raison de cette aberration antichrétienne, demanderez-vous à juste titre ? Mystère. Mais peut-être que la débrouillardise et l’énergie fraternelle du pasteur de cette petite chapelle ont dû faire de l'ombre à la puissante église voisine, la Trinity Church de Wall-Street, et à ses managers en collerette anglicane, notamment le puissant Dr. Daniel P. Matthews.
Ah oui, le puissant Daniel Matthews, maître spirituel, nous dit-on, de Wall-Street et de ses directeurs financiers…Que faisait-il donc au matin du 11 septembre 2001?
Toujours d’après l’auteur de l’article, il préparait un entretien avec le futur chef de l‘église anglicane, Rowan Williams, dont Trinity Church à Wall Street est une des plus riches paroisses.
L’auteur de l’article rapporte que, selon des témoins de la paroisse de St. Paul, lorsque les avions se sont encastrés dans les Tours, qu’il s’est mis à pleuvoir partout des gens et des restes humains, que les tours se sont ensuite effondrées, et que le pasteur Harris s’évertuait à sauver les enfants du jardin d’enfants situé à proximité, le puissant Daniel Matthews ne se serait préoccupé ni de son invité ecclésiastique ni des enfants, mais, prenant ses jambes à son cou, se serait précipité vers le ferry conduisant à Taten Island puis vers le Sud où l’attendait une réunion scolaire prévue de longue date...
Pendant ce temps, Lyndon Harris, s'activait dans cet enfer de cendres tout en donnant les derniers sacrements aux victimes et à ce qu’il en restait, respirait jour après jour, au côté des sauveteurs, les poussières nocives qui le rendront malade plus tard, et élaborait un plan. Car, se dit-il, s’il y avait bien les victimes, pour lesquelles on ne pouvait hélas plus rien, qu'en était-il des sauveteurs venus de toutes parts pour travailler dans le Pit, ce trou béant d’acier laissé par les tours et qui restera en feu pendant des mois. Qui allait donc les assister et les réconforter dans leur tâche ?
St. Paul étant resté indemne, tandis que tout autour, il ne régnait que stupeur et dévastation, Harris décida d’en faire un centre d'accueil et une infirmerie pour les sauveteurs.
Ces centaines de sauveteurs qui n’avaient nulle part où se loger, sauf à St. Paul, pensait Harris. Il a donc décidé d'ouvrir la chapelle miraculée aux pompiers, policiers et équipes cynophiles, aux soldats et aux ouvriers de l’acier, aux milliers de sauveteurs venus travailler dans le no man’s land.
Il a même ouvert la tour de la chapelle aux administrateurs de la Trinity church que le recteur Matthews avait contacté par téléphone depuis son lointain abri pour demander que l’on sonne les cloches dans tout le pays. Ses désirs étant des ordres, les cloches ont sonné, faisant tournoyer douze fois la poussière blanche des tours mortes. Pour quelques instants, silence, recueillement.
Lyndon, de son côté, a fait de St. Paul un refuge pour les sauveteurs qui y ont habité pendant des mois, logés et nourris gratuitement, 24 heures sur 24. Des dons ont afflué de toutes parts, de toutes les communautés, religieuses ou pas, St. Paul étant le point de chute de ceux qui cherchaient réconfort et nouvelles de leurs disparus. Des camions entiers de chaussures arrivaient pour remplacer les semelles brûlées des sauveteurs dans le pit. D'autres avec de la nourriture pour les chiens sauveteurs, eux-mêmes équipés de sur-chaussures aux pattes. Bref, une logistique incroyable etait organisée et installée. On faisait la cuisine dans la sacristie. Lyndon Harris, qui était le seul confident spirituel de la Trinity, avait fait installer une infirmerie pour soigner les pieds brûlés et prodiguer des massages pour le mal au dos des sauveteurs etc. La Nation a entendu parler de St. Paul. Lyndon Harris avait alors créé le plus récent monument national des USA, nous dit l'auteur. "En 2010, deux millions et demi de visiteurs se sont rendus à St-Paul."
Mais voilà, c'était sans compter avec le recteur Matthews, qui a fini par rentrer de son échappée scolaire, le 17 septembre 2001. Et il a demandé réparation!
L'auteur nous dit qu'après avoir inspecté St. Paul, il aurait crié à l'hérésie et se serait déclaré indigné par la saleté provoquée par les allées et venues des gens venus se réfugier à St. Paul. "Qui sont ces individus bizarres?" aurait-il demandé. "Quand St. Paul redeviendra-t-elle une église?" aurait demandé son vicaire, Howard. Lyndon aurait rétorqué : "Jamais ce lieu n'a autant été une église! ».
Howard, pour toute réponse, aurait renvoyé une assistante de Lyndon et refusé aux travailleurs et à leurs familles le repas de Thanksgiving.
Lyndon, pour sa part, aurait recu l'ordre de ne pas parler aux reporters. La raison invoquée pour expliquer le courroux des dignitaires religieux, si courageux après la tempête: les assurances de l'église anglicane Trinity ne couvraient pas les activités de Harris dans le pit.
Bon sang, mais c'est bien sûr! Enfer et damnation etc. Il fallait y penser!
Pire: Matthews et Howard auraient affirmé que les dépenses engendrées par les sauveteurs à St. Paul étaient tellement élevées qu'il serait désormais impossible de faire célébrer le Messie de Händel pour Noël dans la Trinity Church, une tradition très appréciée des New Yorkais et jamais interrompue depuis 1770!
Mais si mais si!
Sans chercher à jeter l'anathème sur le recteur Matthews, force nous est de constater qu'au lendemain du 11 septembre, il plaçait ses priorités de manière plutôt étonnante et peu conforme aux valeurs chrétiennes telles qu'on nous les apprend sur les bancs du cathéchisme...
Lorsque des documents ont néanmoins prouvé que, non seulement la Trinity church n'avait pas du tout souffert financièrement des mesures d'aides prises par Lyndon Harris, mais qu'au contraire, elle conservait un excédent d'argent, le recteur Matthews a changé son fusil d'épaule et accusé Lyndon de manquement grave aux règlements. Toujours la fameuse antienne des assurances! Et il se serait servi de ce prétexte et de la présence de poussière sur le toit pour déclarer qu'il fallait fermer St. Paul immédiatement et en faire de nouveau "une belle chapelle".
C'est vrai, ça! C'est l'emballage qui compte, non? Comment disait le chanteur, déjà? La misère est moins pénible au soleil des ors dépoussiérés? Enfin, un truc de ce genre...
Tout-de-même, cette décision a provoqué la colère des travailleurs de Ground Zero, mais rien n'y a fait, la chapelle a été fermée en 2002.
Ensuite tout serait allé très vite, nous dit l'auteur de l'article : tout aurait été "nettoyé" dans la chapelle, y compris les milliers de lettres des enfants qui étaient entassées dans la chapelle.
Quand l'auteur de l'article, pédiatre de son métier, en a appelé, dit-il, au recteur Matthews pour récupérer au moins les lettres des enfants, qu'il considèrait comme un témoignage unique sur le drame de Ground zero et qu'il souhaitait analyser avec des collègues de l'université de Harward, il aurait assisté à une scène pour le moins étonnante, qu'il raconte : lorsque Harris est venu s'adresser au pédiatre, celui-ci a vu Matthews exploser et lui dire qu'il préfèrerait détruire les lettres plutôt que d'offrir à Harris une nouvelle occasion de tirer gloire de ses actions [claim to fame dans le texte].
Que sont devenues ces lettres, l'auteur ne le sait pas, il a eu juste le droit de les photographier avant qu'elles ne soient enlevées. Tous les objets témoignant des événements de l'époque ont été enlevés, nous dit-on. À leur place se trouvent dorénavant des artefacts et une galerie de photos que Matthews a fait installer et sur lesquelles il apparaît abondamment et en bonne place.
Lyndon Harris, lui, a été congédié dès octobre 2002, officiellement pour poursuivre ses études théologiques, mais sans salaire, sans assurance-maladie ni pour lui ni pour sa famille, alors que, nous dit M. Hanauske-Abel, Matthews et ses collègues savaient très bien que, pendant son service au sein de l'église, Lyndon Harris avait contracté une maladie des poumons, comme l'attestera un tribunal en 2008 : les dégâts subis sur sa santé ont été provoqués par sa présence constante sur Ground Zero, lorsqu'il a respiré 240 jours durant une poussière toxique. La juge aurait tenu à déclarer dans son procès-verbal le respect que lui inspirait son dévouement pour tous ceux qui étaient venus à St. Paul pour y chercher de l'aide. Bien que les écclésiastiques ne fassent pas officiellement partie des travailleurs du Ground Zero, le case 522326 du World Trade Center Volunteer Fund a été attribué par le tribunal à Lyndon Harris.
Mais bizarrement, les responsables de l'église semblent toujours incapables de trouver un emploi à Lyndon Harris dans tout le diocèse... encore une question de priorités, sans doute...
Après deux ans passés dans la misère financière, on lui aurait finalement offert une place de pasteur à Harlem, mais dans un endroit où règnent la drogue et le crime. Anxieux pour sa femme et sa petite fille, Harris se serait vu contraint de refuser le poste. Toutes ses candidatures à d'autres postes auraient été refusées par l'église anglicane. Ses dettes auraient augmenté, la maison familiale aurait été hypothéquée et en 2005, son couple se serait séparé.
Enfin, en 2009, une église luthérienne lui aurait proposé une place et un logement. Il aurait accepté.
Ce n'était pas trop tôt!
Ah oui, mais... non!
Non, car au même moment, l'évêque Sisk aurait formulé une plainte auprès du diocèse pour manquements disciplinaires et avant même que Harris puisse être entendu, il lui aurait retiré l'habilitation à prononcer le service religieux et à diriger une paroisse. Comme Harris appartient à l'église anglicane, les luthériens n'auraient pas eu d'autre choix que de résilier le contrat passé avec Harris.
Et voilà le travail!!!!!!!!!!!!!
Stop! Encore?
Encore!
L'auteur de l'article, décidément accablé (il n'est pas le seul à l'être) de voir tant de malheurs affliger son cher pasteur, poursuit ainsi:
"À présent, quelques semaines avant que le monde ne commémore l'attentat du 11 septembre pour la dixième année consécutive, Lyndon n'a aucun endroit où loger à New York, il est banni comme ecclésiastique anglican et a été renvoyé par les luthériens."
Début août de cette année, il a cherché refuge chez sa soeur en Caroline du Sud.
Mais au fait, qu'est-il advenu des deux glorieux managers anglicans si fermes dans la "restructuration" de leurs "ressources humaines" genre pasteur Harris?
Aux dernières nouvelles, leur ascension vers les hauts sommets ecclésiastiques semblerait se poursuivre confortablement. Pour la gloire des cieux, sans nul doute.
L'auteur de l'article nous confie que Samuel J. Howard, autrefois vicaire du recteur Matthews, a été promu depuis longtemps évêque anglican de Floride. Motif de sa nomination (défense de rire - ou de hurler) : "au titre de guide de la congrégation et du personnel de la Trinity Church et de la chapelle St. Paul dans la foulée des événements du 11 septembre 2001«.
Et son salaire annuel nous est même divulgué (pitié, n'en jetez-plus): 206237 Dollars.
Hanauske-Abel nous raconte que la petite paroisse de St.-Paul fait courir le bruit que sa première initiative en tant qu'évêque a été de faire mettre à sa disposition une maison privée et une cadillac ainsi que des cartes de membre de différents clubs. En voilà un qui ne fera jamais partie des "ordres mendiants". Ah, ces mauvaises langues...
En 2004, le recteur Matthews de la Trinity Church a célébré ses adieux, nous dit l'auteur, dans la cathédrale de St. John The Divine, la quatrième église la plus grande du monde. Avec tout le tralala et les vins les plus fins et les plus chers. Pour le diocèse de East Tennessee, il est, nous dit-on, un »apôtre de l'espoir et de salut pour le Lower Manhattan après les attaques du 11 septembre«. Le soi-disant "héros de Ground Zero" ferait même preuve d'une modestie remarquable dans son prêche : » J'ai eu le privilège... de me sacrifier infatigablement.« Que c'est là une belle oraison qui mériterait bien une hagiographie de ce "saint-homme"!
Il prétendrait même que l'ordre du British Empire qu'il a obtenu en 2005 lui aurait été remis en reconnaissance de son rôle éminent à Ground Zero, mais lorsque l'auteur s'est renseigné auprès du Royal Households and Honours Secretariat, pour savoir si cela était vrai, on lui aurait répondu que non, Matthews aurait obtenu la distinction »pour ses services au sein du Commonwealth britannique«.
Voilà l'histoire telle que Hartmut M. Hanauske-Abel la raconte dans l'hebdomadaire DIE ZEIT. Si les faits sont tels qu'il les raconte, on ne peut s'empêcher de se sentir révolté par une telle injustice, voire une telle escroquerie ecclésiastique!
L'Injustice est non seulement pour le malheureux pasteur Harris, qui lui, leur a déjà accordé son pardon (voir extraít d'un discours prononcé par Harris - cliquer sur le lien), mais elle est symptômatique de l'abus de pouvoir de gens qui prétendent défendre des valeurs qu'ils bafouent quotidiennement et elle est une insulte à tous ceux qui commémoreront bientôt les attentats du 11 septembre, les yeux fixés sur St. Paul, lorsque le président Obama viendra serrer la main du soi-disant "héros" de Ground Zero. Ce jour-là, si ce que raconte l'auteur de l'article est vrai, ce n'est pas seulement le président Obama qui tombera dans le piège d'un tissus de mensonges tendu par cette poignée de mains...
La messe est dite...